Le phénomène de l’imposteur : l’éternelle insécurité au travail
Publié le 16 janvier 2017Certaines personnes pensent ne pas mériter leur succès. Ni impression passagère, ni preuve de modestie délibérée, cette conviction persistante reflète en réalité un profond malaise vis-à-vis de l’opinion positive d’autrui.
L’individu pris au piège par le phénomène de l’imposteur est profondément anxieux et souffre d’une insécurité qui pèse sur ses épaules quotidiennement. Ses réussites, il les rejette du revers de la main, malgré tous les signes de son talent. Ses accomplissements, il les attribue à ses efforts acharnés ou à la chance d’être arrivé au bon endroit au bon moment, jamais à ses compétences. Et plus encore, il vit chaque jour avec une angoisse constante : la peur de voir son incompétence dévoilée au grand jour.
Sans être atteints par le véritable syndrome, plusieurs se sont déjà sentis comme des imposteurs, ayant l’impression de tromper leurs collègues qui surestiment leurs capacités. Qui n’a jamais eu le sentiment de ne pas se sentir à la hauteur d’un défi, d’être entouré de collègues tous plus brillants et compétents que soi. On se regarde alors et on se dit : « Qu’est-ce que je fais ici? »
Aux études, en début de carrière, lorsqu’on s’engage dans un nouveau projet, tous ces moments font ressortir nos doutes, nos insécurités et notre peur de l’échec. Si ces sentiments sont tout à fait normaux, ils ne doivent pas prendre le contrôle de notre vie.
Quand la carrière en prend un coup
En début de carrière, il est particulièrement important de développer une estime de nous-mêmes qui nous permettra de contrecarrer ces doutes incessants – en ayant confiance en nos capacités, nous serons plus ouverts à toutes les occasions qui se présenteront à nous.
Alors que la plupart d’entre nous arrivent à retrouver le chemin de la confiance en soi, pour certains, c’est un combat de tous les jours. Cette inquiétude constante peut avoir des impacts dévastateurs sur la carrière d’une personne. Submergé par toutes les émotions négatives qui se bousculent dans son esprit, l’imposteur arrive parfois tout juste à garder la tête hors de l’eau. Ce qui en découle, c’est une situation de manque.
Manque d’initiative
Perfectionniste dans l’âme, l’imposteur est concentré sur l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées. Ayant une faible confiance en ses habiletés, il n’est pas à l’aise de proposer des idées ou des solutions à un problème. Il ne croit pas avoir les compétences nécessaires pour faire avancer un projet ou le mener à bien.
Manque de vision
Incapable de reconnaître ses compétences et ses atouts, il est très difficile pour l’imposteur de se projeter dans l’avenir. Un plan de carrière est pourtant un outil indispensable pour progresser professionnellement, ce qui condamne parfois certaines personnes à faire du sur place alors qu’elles auraient les capacités d’en faire plus.
Manque d’ambition
Évitant le plus possible les situations stressantes et la pression qui vient avec les responsabilités, l’imposteur a peu de chances d’accepter un poste de gestion ou de direction pour lequel il serait qualifié. Effrayé à l’idée d’assumer un rôle qui l’expose aux échecs et au jugement négatif d’autrui, il voit les portes qui lui étaient ouvertes se refermer lentement, à son grand soulagement.
Manque d’engagement
On l’aura compris, l’imposteur vit une situation professionnelle destructrice marquée par l’anxiété, le doute et le mal-être. Cette situation n’est pas propice au développement d’un sentiment d’appartenance à son milieu d’emploi et à ses collègues. Difficile dans une telle situation d’être confortable au travail et d’être satisfait de sa situation d’emploi. Son milieu de travail est synonyme de malaise, il n’est pas vu comme un lieu d’épanouissement auquel il peut se dévouer corps et âme.
Sans tomber dans cet extrême, nous avons sûrement, à un moment ou à un autre, eu l’envie de reculer devant un défi par peur de ne pas réussir et par manque de confiance en nos capacités. En attaquant ces situations avec un peu de courage, on réalise petit à petit qu’on possède toutes les compétences nécessaires et que nos collègues et nos patrons ont raison de nous accorder leur confiance.
On se retrousse les manches!
Dans un marché de l’emploi qui valorise la performance, la compétition et qui accepte mal l’échec, le risque de développer des sentiments d’anxiété, d’infériorité et de peur est plus élevé que jamais. Faute de pouvoir changer le monde de l’emploi en un claquement de doigts, il faut apprendre à s’adapter pour ne pas laisser nos pensées négatives prendre le dessus.
Pour changer son mode de pensée, il faut y mettre des efforts et aller chercher le soutien nécessaire. Il faut prendre conscience des contradictions qui contrôlent notre vie : nous avons peur de l’échec, mais nous sommes aussi terrifiés par les attentes élevées qui viennent avec le succès; nous maintenons les plus hauts standards de réussite, mais nous sommes incapables de reconnaître nos compétences comme la source de ces réussites.
Il faut reconstruire notre estime. Nos réussites nous appartiennent, elles sont le reflet de notre talent. Réalisons que l’erreur ou l’échec ne sont pas un reflet de notre incompétence, mais plutôt des occasions d’apprentissage qui nous permettent d’évoluer professionnellement. Apprenons à accepter les compliments et les rétroactions positives et ne nous laissons pas abattre par les commentaires négatifs. C’est un travail de tous les jours qui en vaut la peine : l’épanouissement et le bien-être sont à la clé.
Par Mylène Fortin, rédactrice
Kevin Chassangre (2014). « Le phénomène de l’imposteur, la peur qui mine la réussite ». Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive. Researchgate.net