11 mai 2021
Une croissance coulée dans le béton
On voit ses bétonnières partout au Québec, beaucoup notamment à Montréal, où elles approvisionnent quotidiennement le chantier du siège social de la Banque Nationale, le plus ambitieux projet immobilier de la métropole. Béton provincial est aujourd’hui le plus grand fournisseur d’agrégats au Québec et le plus important client de la cimenterie McInnis, qu’elle a vainement tenté d’acquérir l’an dernier. Son PDG André Bélanger, l’architecte de la forte expansion que Béton provincial a connue depuis les 20 dernières années, nous explique le cheminement de l’entreprise fondée à Matane par son père, Walter, en 1960.
On voit vos bétonnières circuler partout au Québec, mais beaucoup au centre-ville de Montréal. Cette forte présence est relativement nouvelle, non ?On a longtemps été actifs en région. Mon père a commencé ses activités à Matane puis dans le Bas-du-Fleuve, en Gaspésie, sur la Côte-Nord, au Nouveau-Brunswick et au Lac-Saint-Jean.
Quand je me suis joint à l’entreprise en 1992, après mes études en génie et avoir obtenu mon MBA, j’ai bien vu que l’on était dans des marchés en décroissance démographique. On a donc entrepris de nous rapprocher des marchés urbains en réalisant des acquisitions à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières, à Sherbrooke…, mais en faisant aussi beaucoup d’implantation comme à Montréal, où on a ouvert une usine à Saint-Laurent et une autre dans l’Est.
On a enregistré une très forte croissance au cours des 20 dernières années, mais en gardant toujours les valeurs d’une entreprise régionale qui favorise le service à la clientèle, le respect de ses employés et de la qualité de ses produits.
On est le joueur le plus important au Québec, mais on est aussi l’entreprise de propriété canadienne la plus importante au pays. Tous nos gros concurrents sont des multinationales comme Lafarge.
Vous étiez au départ un petit fabricant de blocs de béton, mais vos activités se sont diversifiées et vous êtes même aujourd’hui dans la production d’asphalte. C’est le cheminement que vous souhaitiez ?Oui, absolument. L’idée est de maximiser la chaîne d’approvisionnement. Notre ligne d’affaires, c’est l’agrégat. Qu’il soit mélangé à du ciment ou à du goudron importe peu, cela nous permet de desservir plusieurs marchés, celui des travaux publics avec l’asphalte et celui de la construction avec le béton.
Aujourd’hui, Béton provincial a 75 usines de béton, 6 usines de produits préfabriqués, 20 usines de pavage, 500 bétonnières et 2000 employés. On est présent partout au Québec et dans les provinces maritimes.
Vous avez voulu acquérir la cimenterie McInnis de Port-Daniel, mais la Caisse de dépôt a préféré s’associer en décembre dernier au groupe brésilien Votorantim Cimentos. Est-ce que cela a été une grande déception pour vous ?On était très intéressé dès le premier jour à faire l’acquisition de la cimenterie McInnis parce qu’on était déjà son plus important client avec les 200 000 tonnes de ciment qu’on leur achète par année. Cela nous aurait permis de nous intégrer encore plus de façon verticale, et de contrôler davantage notre chaîne et nos coûts d’approvisionnement.
Mais bon, on n’a pas été retenu. Les Brésiliens l’ont remporté en créant un nouveau groupe nord-américain avec la Caisse comme partenaire. On n’a pas fait de croix sur une cimenterie. C’est une intégration verticale très valable, mais on n’est plus là aujourd’hui.
Vous allez continuer de vous approvisionner à la cimenterie McInnis ?Bien sûr. Ils nous livrent directement le ciment de Port-Daniel à notre terminal de Québec qu’on a construit en 2004 et qui est le terminal qui a la plus grande capacité de stockage au monde avec ses 180 000 tonnes de ciment.
Vous êtes en croissance constante, mais est-ce que la production de béton est sujette aux ralentissements économiques, comme celui de 2008-2009 ?La demande reste toujours assez stable. Durant la récession de 2009, on n’a pas été affectés parce que Québec et Ottawa ont lancé des travaux d’infrastructures. Présentement, le boom de la construction résidentielle nous aide beaucoup, mais on a terminé l’an dernier le plus gros projet de notre histoire en fournissant le béton pour le barrage de la Muskrat Falls au Labrador, un ouvrage tout en un morceau de 800 000 mètres cubes de béton.
C’était le plus gros projet d’investissement des 20 dernières années dans l’est du pays et cette année, on participe au plus grand projet immobilier de Montréal avec la construction du siège social de la BN.
On est bien diversifiés géographiquement dans des marchés porteurs qui affichent des potentiels de croissance. Idéalement, nos bétonnières doivent pouvoir livrer leur produit à courte distance, à 40-50 minutes de l’usine.
Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ? Est-ce qu’il y a encore du potentiel de croissance au Québec ?On est toujours à l’affût de nouvelles occasions d’affaires, le marché évolue rapidement. Les groupes Bauval et Roxboro viennent de fusionner, cela aurait été impensable il y a cinq ans.
On mise beaucoup sur l’innovation, la recherche et le développement et le virage numérique pour améliorer nos processus. On croit au béton vert.
On a fabriqué tous les piliers et les dalles du pont Samuel-De Champlain avec du béton beaucoup plus faible en carbone, mais trois fois plus résistant à la compression, avec une garantie de 125 ans sur l’usure.
C’est un secteur d’activité où il faut toujours investir, acheter de nouvelles carrières, démarrer de nouvelles usines… Vous ne souhaitez pas parfois réduire la cadence et profiter de vos dividendes ?C’est une industrie où les dépenses en capital sont importantes, c’est un fait. Mais, en affaires, c’est comme dans la vie. Il n’y a pas de ligne d’arrivée, il faut toujours que tu progresses, que tu t’améliores. On a une grande fierté à faire ce que l’on fait. On a une très bonne équipe, à la fois jeune, dynamique et expérimentée.
Nos directions régionales ont beaucoup d’autonomie et elles ont le soutien de nos deux centres administratifs de Québec et Matane. C’est à Québec que sont concentrés les ventes, les ressources humaines, le développement des affaires et c’est à Matane que se fait la comptabilité.
Nous, ce que nous essayons de faire tous les jours, c’est nous améliorer.
JEAN-PHILIPPE DÉCARIE
LA PRESSE